Le "Paysage du Dedans" que propose Claire Chalet n'est pas ce paysage que l'histoire de l'art a tant de fois mis en situation. Ici, nul point de vue, de décors, de nature ou de site qui se présentent aux regards des spectateurs. Dans ces monotypes, ces dessins et ces peintures, le paysage en question se réduit le plus souvent à un espace vide où un personnage isolé - plus rarement une forme animale ou végétale- est mis en relation avec un élément parfois indéfinissable.
La raison en est que le paysage de Claire Chalet est un non-lieu, une u-topie à laquelle on ne peut pas accéder par le déplacement, mais par l'immobilisme, de la même façon que l'ennui (une certaine forme d'immobilisme) est nécessaire à Alice pour qu'elle se rendre au Pays des merveilles. Pour s'y rendre, reste alors à attendre des échappées d'inconsciences comme apportées par des remontées gazeuses profondes qui atteignent la surface d'un lac sombre.
C'est l'origine de cette inquiétante étrangeté dont parle volontiers l'artiste qui immerge ainsi le spectateur de ses oeuvres dans paysage psychanalytique. De fait, l'apparente simplicité de ses dessins, collages et monotypes rappelle la "gratuité" des dessins d'enfants chargés d'une forte inconscience, mais aussi de façon plus générale une certaine forme de narration dans laquelle les personnages fabriquent en quelque sorte le monde qu'ils décrivent.
Alice, Don Quichotte ou Meursault sont, entre autres et avec plus ou moins de satisfactions, des fabricateurs de leur propre monde. Ce qu'est également Claire Chalet.
Max Torregrossa.
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